Lettre d’opinion dans Le Soleil du 15 février 2020
JACKIE SMITH, Cheffe de Transition Québec
«Il n’y aura jamais de tunnel pour relier Québec et Lévis si les coûts sont aussi élevés qu’il l’anticipe, soit autour de 5 milliards $. Les politiciens qui en feront la promotion vous invitent à un dîner de cons, pour vous prendre dans un piège à cons.» Voilà ce que disait le maire de Québec, Régis Labeaume, en 2016.
Pourquoi le maire Labeaume fait-il ce virage à 180 degrés de dernière minute à propos du troisième lien? Les coûts sont les mêmes, le projet est aussi inutile aujourd’hui qu’il l’était en 2016.
Qu’est-ce qui a changé?
Le gouvernement de la CAQ est revenu à la charge avec un nouveau scénario après avoir constaté que son scénario initial d’un pont entre l’île d’Orléans et Beauport se dirigeait vers le mur. Ils ont sorti des boules à mites une idée remâchée depuis des dizaines d’années. Un tunnel qui relie les deux centres-villes était le rêve des maires Gilles Lamontagne de Québec et Vincent Chagnon de Lévis en 1972. Le projet a été rejeté par le ministre des Transports Raymond Mailloux en 1975. M. Mailloux en est arrivé à cette sage conclusion: «Si nous pouvions amener les automobilistes à utiliser davantage le transport en commun et à laisser leur automobile chez eux, nous aurions réglé une grande partie du problème.»
Bref, le projet était une mauvaise idée en 1972 aussi. Mais qu’est-ce qui est différent aujourd’hui?
Il importe de mentionner qu’à ce jour, les véhicules qui circulent entre Québec et Lévis ne contiennent en moyenne que 1,2 personne. Nous sommes loin d’avoir exploité le potentiel de covoiturage pour les déplacements interriverains et cela, sans compter le potentiel de transport en commun sur les ponts actuels. Nous n’avons pas travaillé à créer des incitatifs afin que les gens laissent leur automobile sur la Rive-Sud et prennent l’autobus. Aussi bien dire que nous payerions un lien interrives pour des places vides.
Cependant, il est vrai que le CAQ a promis qu’il y aurait des voies réservées pour le transport en commun et que les SRBs transporteraient les passagers entre les deux rives par le tunnel. La CAQ est en mode séduction et cherche l’acceptabilité sociale afin de calmer les inquiétudes des citoyens des quartiers centraux, et surtout pour faire taire les écolos. Ils nous vendent même un possible futur lien de métro. Il s’agit là d’un exemple flagrant d’écoblanchiment. Il n’y a encore aucune, je le répète, aucune étude qui justifie sa nécessité. Actuellement, sans arguments sérieux, la CAQ est prête à dépenser des milliards pour moins de 15 000 déplacements par jour. Autant d’argent lancé dans le fleuve, c’est un vrai piège à cons.